Mes articles en Sciences

Voici les articles scientifiques sur l’Anguille de Mélanie qui ont alimenté le site. Ils sont écrits en anglais. Les articles scientifiques sont la concrétisation d’un projet de recherche et de travaux scientifiques. Ici, les articles sont présentés avec son titre original, son titre traduit, le résumé vulgarisé et son résumé traduit en français. Vous trouverez également sa thèse avec une introduction et discussion en français.

Les Articles sur l’Anguille de Mélanie

Étude des mécanismes physiologiques sous-jacents aux écotypes de civelles d’eau douce et marines d’Anguilla rostrata

Ma thèse intègre les trois articles qui suivent, une présentation des Anguilles en introduction qui ont permis d’alimenter ce site et, une discussion approfondie des résultats que j’ai obtenus.

Les résultats obtenus bousculent les connaissances. Ils ont démontré que la stratégie de migration des Anguilles n’est pas due à sa condition physique et sa préférence pour une salinité de l’eau, comme avancée par des confrères.

Les résultats montrent l’existence d’écotypes chez les anguilles, c’est à dire un groupe d’individus qui sont adaptées génétiquement, physiologiquement, physiquement et écologiquement à un habitat. L’établissement dans un milieu s’effectue selon l’aptitude de la civelle et son écotype qui est sexe-dépendant. Je suggère que les mesures de gestion de l’Anguille tiennent comptent nouvellement de l’écotype. En présence d’écotype, les mesures de repeuplement pourraient déplacer des populations vouées aux zones côtières, en eau douce ! Les conséquences pourraient être une modification du dynamisme des populations dans les écosystèmes où les civelles sont déversées, générer de la compétition entre Anguilles mâles et femelles… Au Canada, la majorité des anguilles qui ont été déversées dans le lac d’Ontario étaient des écotypes des eaux côtières. Par conséquence, ces anguilles ne coloniseraient pas les affluents, resteraient dans le lac..

Voici les résultats de ma thèse sous forme de schémas, qui ont permis de caractériser les deux écotypes d’Anguilles d’eau douce et d’eau salée :

  • une petite taille et un stade de développement à l’arrivée plus avancé
  • une meilleure condition corporelle (+ 16,6 %)
  • une moins grande propension à mobiliser efficacement les réserves en triacylglycérols et en conséquence, un contenu élevé en triacylglycérols (+ 73,8 %)
  • un métabolisme basé sur la mobilisation du glycogène et en conséquence, un contenu en glycogène total diminué
  • de faibles niveaux d’expression génique pour l’ensemble des gènes étudiés.
  • une plus grande taille (+ 4,8 mm) et un stade de pigmentation variable selon la distance à la mer
  • une surexpression des lipases et en conséquence un contenu moins élevé en triacylglycérols
  • une conservation du glycogène total (contenu plus élevé à 67,7 %) et l’enzyme qui le catabolise n’est pas surexprimé
  • un contenu élevé des autres classes de lipides (+ 43 % en PL, + 42 % en SE-WE, + 33 % en ST, p < 0,0001) parmi lesquelles cires et stérols pourraient être impliqués dans la stimulation de la bile (Tocher et Sargent, 1984).
  • une surexpression des hormones impliquées dans l’osmorégulation, la croissance ou la métamorphose.

Voici sous forme de schémas, les mécanismes internes reliés à la migration de la civelle que j’ai observés :

« Les travaux de recherche effectués dans le cadre de cette thèse avaient pour objectif d’identifier les déterminismes physiologiques, énergétiques et endocriniens des formes migratrices des civelles d’Anguilla rostrata en fonction de la variabilité temporelle des dates d’arrivée en estuaire, de la variabilité spatiale des régions de recrutement, et des préférences de salinité individuelles. Le premier objectif était d’examiner la condition corporelle et les contenus énergétiques individuels des civelles, afin de vérifier si les réserves énergétiques permettaient la différenciation des formes migratrices d’eau douce ou d’eau salée/saumâtre selon la région de recrutement ou la préférence de salinité. Un second objectif consistait à comparer les niveaux des transcrits de gènes candidats impliqués dans la régulation de l’appétit et du métabolisme énergétique, afin de déterminer si la régulation génique du métabolisme énergétique permettait aussi la différenciation des formes migratrices au stade civelle, et si cette régulation variait spatialement et temporellement. Finalement, le troisième objectif de la thèse était d’examiner les déterminismes endocriniens de la catadromie facultative dès le stade de recrutement, via l’étude des patrons d’expression de gènes codant pour des hormones régulant les fonctions de l’osmorégulation, la métamorphose et la croissance dans le but de clarifier les facteurs internes sous-jacents à la sélection de l’habitat. Les résultats […]. Les résultats de cette thèse ont permis de caractériser les écotypes en période de recrutement et de proposer un nouveau modèle des mécanismes physiologiques et moléculaires sous-jacents au recrutement des écotypes eau douce et eau salée/saumâtre. Grâce aux outils écophysiologiques et moléculaires, les résultats fournissent d’autres indications d’un contrôle à la fois génétique et environnemental sur l’expression des écotypes et donc, de différences au niveau des mécanismes de régulation du métabolisme énergétique, de la croissance, du développement post-larvaire et possiblement de l’osmorégulation. Ces nouvelles connaissances biologiques sont capitales pour la compréhension de la distribution des écotypes chez les anguilles et contribuent à l’amélioration des connaissances sur la catadromie facultative chez les poissons. Ces nouvelles connaissances sur les déterminismes biologiques sous tendant le recrutement des écotypes de civelles, aideront à l’amélioriation des mesures du recouvrement du stock de l’écotype d’eau douce dans les régions du fleuve et du Golfe du Saint-Laurent, en procurant de nouveaux éléments de réponses aux questions d’importance soulevées, tant sur le plan biologique que sur le plan économique, face au déclin sévère des indices de recrutement d’A. rostrata dans ces régions canadiennes. »


Dans cette étude, nous avons analysé les réponses des gènes chez les civelles à leur arrivée aux embouchures de rivières canadiennes. Les rivières se situent le long du corridor de migration des civelles dans l’estuaire du fleuve Saint-Laurent : de la côte Atlantique, à 100 km en amont de l’Estuaire. La civelle est un stade déterminant pour l’histoire de la vie de l’Anguille. C’est le stade après la métamorphose de la larve et qui, à jeun, effectue une migration vers ses habitats continentaux pour grossir : soit dans les eaux côtières, les eaux estuariennes ou les eaux douces. Pour élucider quels mécanismes internes déterminent la migration de la civelle dans une eau, nous les avons soumises à un test de préférence de salinité. Dans ce test éthologique, la civelle a eu le choix de rester en eau saumâtre, de retourner en eau salée ou d’entrer en eau douce. Après ce test, l’activité des gènes a été quantifiée et déterminée selon leur préférence de salinité et leur origine.

  • Si l’activité des gènes quelque soit l’origine de la civelle, est similaire selon une préférence de salinité, la stratégie de migration est régulée par l’environnement. La migration est dite alors plastique. Le choix de l’habitat dans une eau est une question de préférence de salinité qui serait déterminée par la condition physique de l’Anguille : j’ai une BONNE CONDITION PHYSIQUE, je MIGRE en eau douce.

Les résultats n’ont pas du tout confirmé cette stratégie de migration et d’établissement dans les eaux continentales chez l’Anguille. Les résultats bousculent les connaissances actuelles car les plans de gestions se sont basés sur cette théorie ! Les résultats ont montré une grande variabilité des activités des gènes en fonction de l’origine des civelles et de leur entrée dans les eaux continentales : j’ai DE PLUS GRANDES APTITUDES pour l’osmorégulation, la croissance et mon développement, JE FONCE en eau douce et à jeun !

« Le stade de la civelle chez l’anguille américaine, Anguilla rostrata, marque le début de la migration catadrome, c’est à dire la migration vers les habitats estuariens et d’eau douce. Les mécanismes endocriniens qui sous-tendent cette sélection d’habitat sont encore mal compris. En utilisant une approche de gènes candidats, l’objectif de cette étude était de tester différents modèles d’expression génétique liés (1) aux préférences de salinité et/ou (2) au site de capture pour prédire les différences physiologiques entre les comportements migratoires. Nous avons effectué des analyses révélant l’expression de gènes codant pour des facteurs hormonaux clés sur des civelles américaines prélevées à l’embouchure de trois rivières de la côte est du Canada (Grande-Rivière-Blanche, estuaire du Saint-Laurent ; Rivière-Saint-Jean, Gaspésie ; et la rivière Mersey, Nouvelle-Écosse). Ces anguilles présentaient des préférences de salinité différentes (eau saumâtre/eau salée/eau douce) dans des conditions de laboratoire. Les transcriptions des gènes codant pour la prolactine (PRL), la sous-unité β de l’hormone de stimulation de la thyroïde, l’iodothyronine déiodinase de type 2 (DIO-2), les récepteurs de l’hormone thyroïdienne αa et αb (THRαa et THRαb), l’hormone de croissance (GH), le facteur de croissance analogue à l’insuline 1 (IGF-1) et leurs récepteurs respectifs (GH-R1 et IGF-1R) ont toutes été détectées chez les civelles. Aucune différence dans les modèles d’expression n’a été détectée en ce qui concerne la préférence pour la salinité, mais de fortes différences ont été constatées entre les rivières. Les civelles de la Rivière-Saint-Jean, qui étaient les plus longues et les moins pigmentées des trois rivières, ont été caractérisées par la plus forte expression de PRL, DIO-2 et THRαb. Celles de la Grande-Rivière-Blanche ont montré une augmentation de l’IGF-1R. Les civelles capturées dans ces deux rivières présentaient également l’expression la plus élevée de GH et de GH-R1. Dans l’ensemble, ces résultats confirment les interactions gène × environnement au niveau de l’expression des gènes lorsque les civelles s’installent dans leur habitat continental. Ainsi, nos résultats soutiennent également le concept de la présence de différents écotypes sur la côte atlantique canadienne ainsi que dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. »


Regional variation in energy storage strategies in American glass eels from Eastern Canada

Lien de l’article

Dans cette étude, nous avons analysé les niveaux des réserves énergétiques chez les civelles à leur arrivée aux embouchures des mêmes rivières canadiennes. Les rivières se situent le long du corridor de migration des civelles dans l’estuaire du fleuve Saint-Laurent : de la côte Atlantique, à 100 km en amont de l’Estuaire. Pour élucider quels mécanismes internes déterminent la migration de la civelle dans une eau, nous les avons soumises à un test de préférence de salinité. Dans ce test éthologique, la civelle a eu le choix de rester en eau saumâtre, de retourner en eau salée ou d’entrer en eau douce. Après ce test, les niveaux des réserves en lipides et glucides ont été quantifiés et déterminés selon leur préférence de salinité et leur origine.

Une nouvelle fois, aucune différence n’a été détectée selon la préférence de salinité. Les civelles avaient des niveaux en lipides totaux équivalent mais pas en réserves de glycogène ! Les grandes classes de lipides ont été analysées et des différences ont été observées. Toute une stratégie, les réserves énergétiques des civelles sont différentes selon l’origine et l’entrée de la civelle en estuaire : ARRIVÉE LE PLUS LOIN DANS L’ESTUAIRE, je SUIS PLUS GRANDE, je n’ai PLUS beaucoup de réserves EN GRAISSE, les triglycérides, mais je compense avec mes autres réserves en lipides et j’ai PLEIN DE RÉSERVES DE SUCRES ; ARRIVÉE AUX CÔTES CANADIENNES, J’AI de L’EMBONPOINT car je suis de PLUS PETITE TAILLE. J’ai pas mal DE GRAISSE en stock mais JE N’AI PLUS TROP DE RÉSERVES EN SUCRES.

« Les statuts énergétiques ont été analysés chez les civelles capturées lors de deux premières vagues d’arrivée à l’embouchure de la rivière Mersey, Nouvelle-Écosse, Canada (MR), et de la Grande-Rivière-Blanche, Québec, Canada (GRB), et selon leur préférence de salinité (eau douce, saumâtre, ou eau salée). Les civelles capturées dans l’estuaire de la GRB étaient plus grandes, plus pigmentées, et présentaient des taux plus élevés de glycogène, de phospholipides, de stérols et d’esters dans l’organisme entier. Les civelles de MR avaient un indice de condition plus élevé et un taux plus élevé en triacylglycérol, suggérant des schémas différents de stockage et/ou d’utilisation des réserves énergétiques. Au sein même d’une rivière, un retard de deux semaines dans l’arrivée en estuaire s’est caractérisé par des réserves énergétiques sensiblement plus faibles. Aucune différence dans le stockage d’énergie n’a été observée selon la préférence de salinité. Ainsi, les résultats ont révélé l’existence de différentes stratégies de stockage d’énergie selon la distance et la durée de la migration des civelles, mais pas selon la préférence de salinité. »


Regional variation of gene regulation associated with storage lipid metabolism in American glass eels (Anguilla rostrata)

Lien de l’article

Les civelles sont issues des mêmes rivières, et ont subi les mêmes test de préférence de salinité que les deux articles précédents. Avec cette étude j’ai pu comparer les résultats des taux des lipides et de glycogène dans le corps avec l’activité des gènes impliqués dans leur utilisation. Ici les activités des gènes à la base de l’utilisation des réserves lipidiques de graisse et du glycogène ont été analysées. L’activité des gènes qui codent les hormones de la faim et du jeun a aussi été analysée pour savoir si les anguilles « ont faim » pendant leur migration. Des différences ont été observées seulement entre les activités des gènes qui synthétisent les enzymes qui dégradent la graisse et l’origine des civelles : JE MIGRE LOIN dans l’ESTUAIRE, J’AI PLUS D’APTITUDE A UTILISER MES GRAISSES.

« La variation de la régulation des gènes peut être impliquée dans les différences observées pour les traits du cycle de vie au sein des espèces. L’anguille d’Amérique (Anguilla rostrata) est bien connue pour abriter des écotypes distincts au sein d’une seule population panmictique. Nous avons examiné l’expression des gènes impliqués dans la régulation de l’appétit ainsi que des lipides et du glycogène chez des civelles migrant vers différents endroits de la côte est du Canada et capturées à deux périodes différentes de migration vers l’amont. Les niveaux d’expression génétique de trois gènes de référence et de cinq gènes candidats ont été analysés par PCR en temps réel avec des sondes Taqman chez des civelles sauvages récemment capturées. Tous les transcrits de gènes ont été détectés chez les civelles. Sur les cinq gènes candidats, les lipases activées par le sel biliaire et les triacylglycérols étaient respectivement 7,65 et 3,25 fois plus exprimées chez les civelles de l’estuaire du Saint-Laurent que chez celles de la Nouvelle-Écosse, et il n’y a eu aucun effet lié à la différence de deux semaines dans la date de capture. Ces deux gènes expliquent 82,41% de la dissimilitude entre les deux rivières. En revanche, les gènes des récepteurs de la glycogène phosphorylase, de la ghréline et de la leptine ne présentaient aucune différence significative dans la transcription des gènes. Ces résultats ont confirmé au niveau moléculaire une observation faite récemment au niveau phénotypique selon laquelle les civelles de l’estuaire du Saint-Laurent ont une plus grande capacité à utiliser les réserves lipidiques pour subvenir à leurs besoins métaboliques. Ces observations s’ajoutent à l’ensemble des preuves qui soutiennent l’hypothèse selon laquelle la variation phénotypique régionale observée chez l’anguille d’Amérique est déterminée tôt dans la vie et qu’une partie de cette variation est probablement sous contrôle génétique. »